maintenant que t'es dans le grand bain devine comment on nage - oskàr

15h. Cette après midi, c'était initiation à la planche à voile pour les jeunes de mon groupe. J'y connaissais pas grand chose à la voile, et honnêtement, ça me faisait flipper rien qu'à l'idée que ses zozos allaient être lâché en plein océan, avec un p'tit gilet de sauvetage. Dans le van que j'conduisais je mettais en garde les cinq gamins - pas si gamin que ça, ils avaient près de 14 ans - contre tout débordement. "Les gars, j'vous le dit moi, si vous faites les zozos, c'est la première et la dernière fois qu'on fait de la planche à voile. On rigole pas avec les sports nautiques." J'dois pas être bien convaincante parce qu'un d'entre eux ricane. "Joan, on dit plus zozos depuis les années trente genre!" J'fusille le petit impertinent dans le rétroviseur avec quand même un beau rictus qui étire mes lèvres. Ils sont marrants quand même et en vrai, la mise en garde, c'était juste un principe parce que globalement, ils sont chouettes. Ils sont bien content d'aller faire de la planche à voile. J'gare le van à côté du p'tit bâtiment qui fait office d'école de voile et on sort. J'prends le lead, pour aller à la rencontre du directeur que j'avais déjà eu téléphone. J'l'aperçois, et je vais vers lui. "Hé, Oskàr, c'est ça? Joan, d'Adventures Seekers, y a toute une bande de zozos près à braver les courants juste là." que j'dis en désignant de la tête les cinq adolescents juste derrière moi. "Dites bonjour à monsieur Oskàr!" que j'leur dit, avec un p'tit sourire amusé. Oskàr, il avait une carrure assez imposante, c'était parfait, ça allait p'tete les moucher un peu les mioches là. "Voilà les décharges signées des parents, que vous m'aviez demandé." que j'dis en sortant une pochette plastique avec les documents. J'suis juste dans l'encadrée de la porte et le vent s'engouffre dans la petite pièce, faisant virevolter la pochette plastique. J'regarde Oskàr puis l'océan, un peu inquiète. "Y a pas trop de vent là, pour une initiation? Vous comptez m'en noyer combien au juste?" Ouais, un peu d'humour pour masquer que j'flippe un peu. L'océan, ça avait jamais été une grande amie. On s'était jamais dompté, elle et moi.

@Oskár Ochoa

C’était la première fois que tu accueillais des jeunes de chez Adventures Seekers, pourtant c’était en plein le genre d’associations que ton école de voile visait à rejoindre. En plein ce genre de groupe. T’avais été pas mal soulagé d’apprendre qu’il s’agissait d’adolescents. T’avais pas mal plus de facilité à gérer des kids quand ils avaient en haut de treize ans. Plus jeunes que ça, tu les trouvais tellement bébés, tu perdais rapidement patience et t’arrivais pas à créer de lien avec eux. T’aimais pas forcément les enfants, Oskár. Tu n’en voudrais pas à la vie, si t’en avais jamais à toi. Pis, t’approchais de la quarantaine, alors tant mieux si ce deuil-là n’était pas trop difficile à faire, dans le fond. Autrement, c’aurait été triste, toi qui t’étais retrouvé célibataire sans prévenir et qui était plus ou moins prêt à te réengager. La fin de ta relation avec Sahar t’avait vraiment brisé, et même si ça ferait bientôt un an, t’avais pas encore vraiment tourné la page sur cette trahison. La colère, pis la blessure, étaient encore bien vives. Bref, t’étais pas là pour penser à ton ex, t’étais là pour accueillir l’animatrice du groupe et les cinq enfants qui la suivaient, sortant de cette van qui venait de se stationner dans l’entrée de ton école de voile - et du coup, aussi dans ton parking privé, puisque tu vivais en haut de ton école de voile, dans un loft ouvert. La jeune femme à qui t’avais parlé au téléphone, Joan, s’avança vers toi suivie de ses petits canards. Tu souris en l’accueillant d’une poignée de main. « C’est ça. » Dis-tu en hochant la tête, concernant ton prénom. Quand elle t’appela Monsieur Oskár, tu arquas un sourcil avant de rire. Tu regardas le groupe. « Appelez-moi Oz, plutôt. » Tu regardas les décharges signées que Joan sortit de son sac. Tu la remercias d’un signe de tête avant de repasser derrière le comptoir, dans ton petit bureau, pour les prendre et les classer. Les gamins étaient restés dehors, à parler entre eux, à se bousculer un peu pour rire. Tu souris à la question de la jeune femme concernant les noyades. « Ça dépend, pour un petit supplément par tête, j’en noie le nombre que tu veux. » Plaisantas-tu. Ouais toi tu la tutoyais directement. Vous aviez pas soixante-dix ans non plus.

Les jeunes de mon groupe, on commence à bien se connaître alors on peut s'permettre de se charrier. Comme l'un dans la voiture et comme moi quand j'leur demande de dire bonjour à Monsieur Oskàr comme s'ils étaient vraiment des p'tits gamins. Ils me regardant tous en grimaçant et en souriant tandis qu'Oskàr se présente à son tour, sous un autre nom, beaucoup plus approprié pour les adolescents. J'le suis à l'intérieur de son bureau. Les jeunes sont restés dehors, j'les surveille d'un coin de l'oeil tandis qu'Oskàr s'occupe des documents que j'lui ai donné. C'est marrant, quand même les ados. Ils sont inépuisables quand il s'agit de ricaner et se pousser entre eux, mais quand on les emmène à une après-midi randonnée, y a plus personne. Je l'avais encore un peu en travers cette activité balade qui avait été un vrai fiasco. J'espérais qu'ils soient plus coopératif cette fois ci. J'avais jamais réellement pensé à travailler avec les enfants/ados. C'était pas dans mes compétences, moi, j'étais infirmière de formation mais de toute évidence, c'était une sacrée erreur de parcours. Et là, mon énergie un peu bourrue ça featait bien avec les jeunes. J'porte mon regard sur Oskàr qui me propose une affaire forte intéressante. Il emploie le tu au passage, j'suis pas mécontente. Le vouvoiement, je l'avais sorti par acquis de conscience, parce qu'il était un peu plus vieux de moi et que j'savais pas à qui j'avais à faire. Mais très clairement, sa p'tite plaisanterie, ça m'amusait pas mal et j'rentrais dans son jeu. J'm'accoudais au comptoir, plutôt tourné vers l'extérieur mais j'me penchais vers l'arrière, comme pour aligner mes yeux avec les siens et je pointais du doigts le groupe de jeunes. "mmh tu vois celui là avec son sac à dos gris et ses baskets blanches? c'est mon p'titi chouchou alors celui-ci t'évite, par contre les autres, sens toi très libre!" J'avais bien évidemment un p'tit sourire amusé aux lèvres, j'me redressais, rajoutant quelques mots comme pour justifier de mon choix de tous les perdre à jamais au fin fond de l'océan. "Ils m'ont pourri mon activité rando d'y a six jours, j'ai encore pas mal de rancoeur." J'plisse du nez, comme si ce souvenirs était encore terriblement douloureux. Mais j'suis sympathique, j'l'ai aime encore mes jeunes, la preuve, il s'apprête à faire d'la planche à voile. J'pose mes avant-bras sur le comptoir, en attendant que Oskàr soit prêt, clairement, j'vais suivre son lead, j'y connais rien en sports nautiques et j'serais juste là pour soutenir/encourager/recadrer les jeunes, en fonction des besoins.

Tu souris alors que Joan s’accoudait au comptoir qui vous séparait. Elle était très à l’aise et naturelle dès le départ et ça, ça te plaisait pas mal. Tu te disais que si c’était avec elle que t’animais le groupe cet après-midi (parce que ouais, tu comptais pas la laisser vous attendre sur le quai, hein), ça ne pouvait qu’être fun. Déjà, votre échange était très drôle. Une autre personne aurait pu te dévisager avec incertitude ou inquiétude mais elle, elle rentrait dans la blague à cent pour cent. « C’est noté. Par contre, si je me trompe, je te préviens ce n'est pas remboursable. » T’esquissas un sourire amusé en la regardant du coin de l’oeil. Comme si elle avait besoin de justifier cette blague que vous aviez un peu poussée, Joan t’expliqua que ce groupe de jeunes avait pourri son activité de randonnée la semaine dernière et que pour ça, elle avait encore une crotte sur le coeur. « Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils n'ont pas voulu prendre de photos au sommet de la montagne pour votre rapport d’activité ? » Lâchas-tu juste comme ça, parce que tu jugeais un peu ouais même si au fond, à première vue, tu ne pensais pas que ce soit le genre de cette fille de se fâcher pour une telle connerie. En même temps, tu te disais que c’était assez difficile de pourrir une activité de rando à ce point-là, à moins d’avoir refusé de quitter le stationnement. Joan t’attendait patiemment, les avants-bras sur le comptoir, pendant que tu vérifiais toute la paperasse. « Alright, we’re good to go. » Tu contournas de nouveau le comptoir et cette fois, tu allas vers la porte encore ouverte et tu fis un signe aux jeunes pour capter leur attention. « Ok, venez tous et toutes vous chercher une ceinture de sécurité. Et avant que j’en entende un se plaindre : c’est non-négociable. » Tu les guidas vers un rack rempli de ceintures de toutes les couleurs et de toutes les grandeurs. Pendant qu’ils choisissaient, tu regardas Joan. « Ça vaut pour toi aussi ! » Lâchas-tu avec un sourire avant d’enfiler ton propre gilet de sauvetage.

Dès les premiers instants, j'me sentais assez bien avec ce fameux Oskàr. En vérité, quand on arrivait comme ça, à la rencontre d'un encadrant pour une activité, c'était toujours un peu quitte ou double. Certains n'hésitaient pas à mettre pas mal de distance, se la jouant ultra responsable et professionnel et généralement, ça annonçait rien de fun. Là, avec Oskàr, c'était pas ça, ça l'était fun, on plaisantait ensemble et on semblait sur la même vibe. Noyer des gamins, c'était pas si grave. Bien évidemment, j'soulignais que si ça m'importait aussi peu c'est qu'il m'avait flingué mon activité rando. Comme s'il fallait que j'explique. Bien évidemment, personne n'allait se noyer et la remarque d'Oskàr me fit lever un sourcil, faussement inquisiteur. Il s'payait ma tête et ça m'amusait quand même pas mal. "Naaan, mais apparement j'avais proposé une rando qui faisait "rien que de monter" et "qu'on a mal aux pieds et que c'est trop long", tu vois le genre." Le tout, je l'avais imité avec une voix d'ado soulés et c'était à peu près ça que j'avais entendu tout au long de cette randonnée. J'leur avais dis, à ces jeunes là, que de porter une paire de converse pour faire de la marche, c'était pas une bonne idée, mais faut croire que le style prévaut sur le confort, à cet âge là. Mais là, aujourd'hui, ils étaient juste ravis de faire de la voile alors leur mindset était un peu plus positif.  J'suivais Oskàr dehors à la rencontre des jeunes et on s'dirigeait vers un grand coffre renfermant des dizaines de ceintures de sécurité. C'était pas négociable et les ados s'mirent à en essayer. J'les regardais faire avant qu'Oskàr m'inclue dans le boucle. J'le regardais, surprise une seconde mais ouais, j'me doutais bien que j'allais pas rester sur la rive à les regarder. J'restais silencieuse, m'exécutant, et enfilant un gilet à ma taille. J'me regardais, regardais les autres, amusée. "Y a pas à dire, on a tous un très bon flow avec ça." J'marquais un silence, tandis que j'aidais un des ados à resserrer les liens pour qu'il soit bien maintenu. "Y en juste certains à qui ça va mieux qu'à d'autres." On était tous prêt, moi moins que les autres assurément, j'étais pas très à l'aise dans les sports nautiques, j'avais pas peur de l'eau, je savais nager, mais j'avais toujours cette petite appréhension des grands espaces d'eau. J'tentais de rester digne même si j'attendais de savoir si Oskàr comptait moi aussi me mettre sur un bateau à voile ou si j'allais avoir la chance de naviguer sur son p'tit bateau à moteur, assurément plus safe pour moi.

@Oskár Ochoa